💥 La Chaudière Ch0C – Le gaz qui se prend pour une solution climat

Elle brûle du gaz, capte le CO₂ et promet une facture allégée. Bienvenue dans l’univers de la Ch0C, la chaudière française censée réconcilier industrie et climat. Lancée sous la bannière tricolore de France 2030, cette innovation joue la carte du pragmatisme technique face à l'urgence climatique… tout en gardant les pieds bien au gaz.

📦 Projet d’envergure – Une brique technologique ou un mur porteur ?

Fruit de trois ans de travail et lauréat de l’appel à projets France 2030 DEMIBaC, Ch0C incarne cette nouvelle génération de démonstrateurs industriels censés changer la donne. Financé à hauteur de 1,2 million d’euros sur 2,9 millions, le projet a reçu les louanges officielles d’Élisabeth Borne elle-même. Il s’inscrit dans une stratégie bien huilée : réduire les émissions de CO₂ de l’industrie française de 81 % d’ici 2050. Rien que ça.

🔬 Oxycombustion – Magie blanche ou tour de passe-passe ?

Oubliez l’air : ici, on brûle le gaz à l’oxygène pur, ce qui supprime l’azote et concentre le CO₂ des fumées à plus de 85 %. Résultat ? Un captage simplifié, un rendement boosté, et une promesse d’efficacité énergétique. La Ch0C réinjecte même ses propres fumées dans la flamme via un « air synthétique », stabilisé par un brûleur Pillard® OXYFLAM® ultra-bas NOx. Le tout capté et liquéfié à 99,9 % par un module cryogénique sans sorbant. L’alchimie industrielle a trouvé sa recette… sur le papier, du moins.

💶 Économie circulaire – Ou cercle d’auto-valorisation ?

La Ch0C promet jusqu’à 90 % de réduction des émissions directes (scope 1) pour un coût jusqu’à 40 % inférieur à une chaudière électrique. Bonus : le CO₂ capté, très pur, peut être vendu à l’agroalimentaire ou à la chimie. Mieux encore : avec du biométhane en entrée, la Ch0C devient négative en carbone en captant du CO₂ biogénique. Une chaudière qui produit de la vapeur, des revenus et une bonne conscience ?

Le potentiel marché est bien réel : 2 000 chaudières industrielles pourraient être remplacées en France, évitant jusqu’à 4 millions de tonnes de CO₂ par an. Et ce, sans révolutionner l’infrastructure gaz existante. Une solution "plug-and-play"… pour retarder le passage au tout électrique ?

🏭 Feuille de route – Du démonstrateur aux usines ?

Installée à Villers-Saint-Paul (Oise) sur un site ENGIE, la chaudière de 3 MW a été mise en service fin juin 2025. Fabriquée par Babcock Wanson, avec un brûleur signé Fives et un système de captage conçu par VERDEMOBIL BIOGAZ, la Ch0C est testée en conditions réelles jusqu’en 2026. Le consortium compte 16 acteurs, de TotalEnergies à Coca-Cola, en passant par GRDF, Constellium ou Bonduelle. Un véritable catalogue de l'industrie tricolore… en observation active.

⚠️ Défis en tension – Captage ou mirage ?

Capturer, oui. Mais produire de l’oxygène pur coûte cher et demande de l’électricité bas carbone. Le transport du CO₂ capté soulève aussi des questions : pipeline ? stockage sur site ? vente ? Sans parler de la réglementation : entre la norme EN 15502 et les ICPE, tout reste à adapter. Bref, une technologie prometteuse, mais encore en équilibre entre faisabilité industrielle et contraintes structurelles.

🚀 Opportunité ou exception française ?

La chaudière Ch0C coche de nombreuses cases : innovation française, réduction massive des émissions, modèle économique prometteur. Mais elle pose aussi une question centrale : peut-on vraiment décarboner en continuant à brûler du gaz ? La réponse est peut-être temporaire, transitoire, ou territorialisée. Mais elle reflète une stratégie bien française : avancer, certes, mais sans trop bousculer l’existant.

📦 Pour aller plus loin dans la réflexion:

Le projet Ch0C vise un marché potentiel de 2 000 chaudières industrielles à remplacer en France dans les prochaines années. Mais déployer une technologie n’est pas suffisant : encore faut-il qu’une filière complète

🔋 1. Où produire l’oxygène pur ?

Le cœur du système Ch0C, c’est l’oxycombustion – une combustion à l’oxygène pur (et non à l’air). Mais produire cet O₂ en continu pour des milliers de chaudières demande une infrastructure lourde. Deux options :

  • Livrer de l’O₂ liquide : solution coûteuse et carbonée si elle implique du transport routier intensif.
  • Produire sur site, via électrolyse ou PSA (séparation de l’air) : demande des unités compactes, bas-carbone et faciles à déployer.

Sans industrialisation de la production distribuée d’oxygène, la filière reste fragile.

🚛 2. Que faire du CO₂ capté ?

Chaque chaudière Ch0C peut capter plusieurs tonnes de CO₂ par jour. Mais ce CO₂, même purifié à 99,9 %, doit être :

  • Valorisé localement (agro, chimie, e-fuels) – ce qui demande des débouchés industriels à proximité, en quantité suffisante ;
  • Ou séquestré – ce qui nécessite des puits géologiques ou un réseau de pipeline CO₂, aujourd’hui quasi inexistant en France.

👉 Sans logistique adaptée ou circuits courts, le risque de rebond carbone logistique est bien réel.

⚖️ 3. Des normes à la traîne

Les chaudières industrielles sont soumises au régime ICPE (Installations Classées pour la Protection de l’Environnement), et à des normes comme EN 15502. Problèmes :

  • L’oxycombustion haute température n’est pas prévue dans les textes actuels.
  • Le stockage de CO₂ peut faire basculer une installation dans une ICPE plus contraignante.

👉 Sans adaptation réglementaire, chaque Ch0C devra faire l’objet d’un dossier dérogatoire → perte de temps, incertitudes, coûts administratifs.

Le démonstrateur Ch0C fonctionne. L’innovation est là. Mais pour en faire une solution industrielle à grande échelle, il faut structurer une filière complète : oxygène, CO₂, normes.

🌱 Biométhane : de la vapeur à valeur négative ?

La chaudière Ch0C ne se contente pas de « moins polluer » : avec une alimentation en biométhane, elle pourrait devenir un puits de carbone industriel. Un changement de paradigme pour l'industrie gazière.

♻️ Le CO₂ biogénique, un atout méconnu

Le biométhane, produit à partir de matières organiques (déchets agricoles, boues, biodéchets…), émet du CO₂ lors de sa combustion. Mais ce CO₂ est biogénique : il provient du cycle court du carbone. Autrement dit, il a été capté par les plantes quelques mois ou années auparavant.

👉 Si on le relâche dans l’atmosphère : bilan neutre. 👉 Mais si on le capte et le stocke : on retire du CO₂ de l’atmosphère.

💡 Une chaudière gaz… négative en carbone ?

C’est exactement ce que permet la Ch0C : brûler du biométhane, capter le CO₂ biogénique via l’oxycombustion, le purifier à 99,9 %, puis :

  • Le vendre à l’agroalimentaire ou à la chimie, en usage circulaire ;
  • Ou le séquestrer durablement dans des formations géologiques.

Résultat : une installation qui retire activement du CO₂ de l’air, tout en produisant vapeur et chaleur. La Ch0C devient alors une brique de carbone négatif industriel.

📉 En théorie, scalable…

→ Si 1 000 chaudières Ch0C sont alimentées en biométhane, on pourrait capter plusieurs millions de tonnes de CO₂ biogénique par an en France. → Et créer une filière de puits de carbone alignée avec la SNBC

🚧 … mais sous conditions

  • Le volume de biométhane disponible
  • La traçabilité du CO₂ capté
  • La valorisation du CO₂

📍 Conclusion :

Le couplage biométhane + oxycombustion + captage transforme la chaudière gaz en solution climatique active. Une opportunité stratégique pour les sites industriels compatibles avec le gaz vert — à condition que l’économie circulaire ne devienne pas une simple boucle de marketing.

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